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M'y voilà enfin ! Toute ma froideur s'est évanouie.
Je suis accablé, persécuté par ce que j'ai vu ; j'ai vu, je crois, ce que personne n'a vu, ce qu'aucun voyageur n'a peint [ ]. Je n'ai pas quitté la villa Adriana sans remplir d'abord mes poches de petits fragments de porphyre, d'albâtre, de vert antique, de morceaux de stuc peint, et de mosaïque, ensuite j'ai tout jeté. Elles ne sont déjà plus pour moi ces ruines, puisqu'il est probable que rien ne m'y ramènera.
On meurt à chaque moment pour un temps, une chose, une personne, qu'on ne reverra jamais : la vie est une mort successive.
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« L'été s'abat sur la Sicile comme un faucon jaune sur l'étendue jaune des terres couvertes de chaumes. La lumière se multiplie dans une explosion continue, elle semble ouvrir, révéler les formes étranges des monts et rendre très durs, compacts, le ciel, la terre et la mer, mur ininterrompu de métal coloré. Sous le poids infini de cette lumière, hommes et animaux se déplacent en silence, acteurs d'un drame ancien dont le texte ne parvient pas à nos oreilles : mais leurs gestes suspendus dans l'air radieux sont comme des voix changeantes et pétrifiées, comme des troncs de figuiers de Barbarie, des branches tortes d'olivier, des pierres monstrueuses, de noires cavernes sans fond. »
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Recueil de 25 nouvelles et chroniques inédites, Le Feu dans la mer a été publié en Italie en 2010. Il couvre la période allant de 1947, celle des débuts de l'écrivain (Sciascia publie son premier livre en 1950), à 1975. Le feu dans la mer compose un portrait à facettes de la Sicile et de ses habitants, de l'épopée garibaldienne au vingtième siècle, plein d'intelligence ironique, d'humour et de justesse critique.
Ces textes narratifs et ces chroniques portent sur divers aspects de la Sicile : sur le monde rural, que Sciascia connaît bien (comme « L'ouvrier agricole sur la lune », « La paye du samedi », « L'admonition »), sur la ville de Palerme, où il emménage à la fin des années 1960 (« Une histoire vraie »), ou sur des thèmes historiques comme l'unification italienne au XIXe siècle (« Le silence ») et la guerre d'Espagne, telle que vécue par des Siciliens (« La peur »), ou encore la libération de la Sicile par les Américains en 1943 (« Les Allemands en Sicile »).
Ils reconduisent le lecteur à la source de l'inspiration de Sciascia, de son art de conteur. C'est son premier monde : son village, la campagne de la région d'Agrigente, la soufrière, les problèmes du développement économique, le crime organisé (la mafia rurale, propre à cette partie occidentale de la Sicile). Ce sont ses thèmes majeurs : la peur et la pitié (« La paye du samedi », « Le soldat Seis »), la douleur (« Carnezzeria »), la folie (« Le legs »), la femme, l'amour et l'honneur (« L'escroquerie », « Une comédie sicilienne »), le pouvoir (« L'admonition »). On y trouve aussi la première tentative de Sciascia de raconter l'histoire de Racalmuto, son bourg de naissance, au sud-ouest de la Sicile. -
La ragazza Carla est l'un des textes majeurs de la poésie italienne du vingtième siècle, un « classique
récent de la poésie italienne », comme Umberto Eco l'a défini dès les années soixante. Carla, une jeune
fille introduit un nouveau ton dans la poésie italienne de l'après-guerre, loin des thématiques et des
courants poétiques les plus repérés. Ce « récit en vers » se caractérise par un souci de la quotidienneté, par
son ancrage urbain et sociologique, par le choix d'une jeune femme ordinaire comme personnage central.
Il retrace le difficile chemin de l'émancipation de Carla, en passant par le rapport au travail, à l'argent, au
monde capitaliste, à la morale des années cinquante. Écrit entre 1954 et 1957 et publié pour la première
fois en 1962 par Mondadori, Carla, une jeune fille est considéré non seulement comme le livre le plus
important d'Elio Pagliarani, mais aussi comme l'une des productions poétiques les plus remarquables de
l'après-guerre en Italie. C'est une sorte de fable urbaine du vingtième siècle, sous la forme d'un récit en vers
polyphonique. Le livre retrace les premières expériences d'une fille de dix-sept ans issue des classes populaires
de la banlieue de Milan à la fin des années cinquante. Entre description, narration et analyse, les poèmes
racontent l'histoire d'une jeune fille confrontée à la grande ville industrielle, aux moeurs de son époque, au
monde des adultes et à celui du travail : les cours du soir, le premier emploi, la peur de la séduction, l'agression sexuelle et l'humiliation de devoir accepter une logique sordide afin de ne pas perdre son travail. Les trois
séquences qui composent le livre s'articulent dans un montage de fragments de narrations, de descriptions,
de réflexions. Pagliarani nous conduit d'une scène à une autre, il accélère ou ralentit le rythme, comme dans
un film, approchant ou éloignant notre regard de Carla et de la ville de Milan, autre personnage central du
livre. Carla, une jeune fille est un texte détonnant dans la poésie de l'époque, et qui reste d'une force
et d'une actualité étonnantes. Elio Pagliarani est par ailleurs un auteur dont aucun livre n'a encore été
traduit en français, et les éditions Nous sont heureuses de publier son livre le plus emblématique. -
Dans Liguries, on découvre un Calvino arpenteur minutieux des paysages, homme de l'espace et non du temps, animé par une pulsion de voir et de décrire qui fut aussi forte que celle de raconter. Liguries est constitué de cinq proses et d'un ensemble de poèmes (les « Eaux fortes de Ligurie », rédigés pendant la période de la Résistance). Les proses s'étalent de 1945 à 1975 : « Ligurie maigre et osseuse », géographie humaine de la Ligurie comparée à une échelle ; « Sanremo, ville de l'or », qui se penche sur le destin de cette ville vouée à l'argent dans une région de pauvres gens ; « Ligurie », vaste et forte présentation des caractéristiques physiques d'où ressort une impression d'inquiétude et de fragilité de la vie ; « Savona :
Histoire et nature », qui suit le plan de la ville dans l'espace et dans le temps ; et « La mer forme le troisième côté » (sur Gênes) ». A travers les textes qui le composent, Liguries est bien un guide de la Ligurie : de son littoral, de son arrière-pays et de deux de ses principales villes, Gênes et Savone. On y suit cette fine languette de terre qui forme comme un accent circonflexe ou un sourcil sur l'oeil de la mer entre la France et l'Italie. On y découvre l'histoire de cette terre de batailles, on y comprend l'économie et la société ligures. -
A venir
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Les huit suites de poèmes qui composent ce livre ont en commun d'avoir eu, comme point de départ, une ou plusieurs circonstances, parfois amoureuses. Écrire de la poésie répond ici au simple et (peut-être faussement) naïf désir de garder trace d'un événement, d'une rencontre, d'un lieu, avant qu'il ou elle ne coagule en souvenir. D'où l'impression de fragilité que l'on peut ressentir en lisant ces poèmes. L'impression, aussi, qu'il s'agit pour certains d'entre eux d'une tentative de conjuration : pour enrayer, en quelque sorte, une perte, un échec, une déception. Déplacer un peu le temps touche par son dosage singulier entre légèreté et gravité, par la tension qu'il installe entre elles, ainsi que par l'acuité de l'observation de ce qui se joue entre les êtres.
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Une minute de latitude est en cinq dimensions. La première est l'adaptation écrite d'une minute de captation quotidienne, de la vie portuaire de Marseille, durant dix mois, depuis le même angle de vue, au septième étage d'une tour vitrée : le lieu du travail. La seconde, sonore, est la transcription de conversations captées dans l'open space durant les temps de pause : le contrepoint. La troisième est une transposition graphique des photographies : la vignette. La quatrième dimension est la consigne méthodique d'une météorologie visuelle : le temps. La dernière est celle d'une échappée intérieure : la fugue. Une minute de latitude est le résultat d'un travail du regard, d'une insistance sur le motif, et un journal de lutte contre l'enfermement.
Au nom de quoi faudrait-il consigner tout ce qui se déroule durant cette minute de capture ? Au nom d'une astreinte à l'exercice d'évasion ou d'un exercice d'enfermement sans la promenade ? L'échappée belle, un acte de résistance ? Au nom de quoi faudrait-il tout métamorphoser ? Au nom du mouvement interdit ? De la nécessité de la joie ? De la respiration ? -
Les éditions Nous poursuivent leur travail de révélation du grand écrivain italien. Dans ce magnifique « portrait de ville » on retrouve l'écriture puissante et la lucidité politique de Carlo Levi, son regard à la fois aigu et tendre sur Rome et ses habitants. La Rome de Carlo Levi est une ville noble et plébéienne, ancienne et absolument actuelle, ville hors du temps qui demeure toujours fugitive, sa beauté âpre étant toujours prête à surgir là où on l'attend le moins. Les pages de ce livre, écrites entre 1951 et 1963, donnent à voir une multitude de personnages, véritables portraits vivants d'un monde populaire : petits métiers et trafics, vie des quartiers, fêtes rituelles, évolutions et dégradations de l'urbanisme, rémanences de l'époque fasciste. Toute une multiplicité, venue lentement d'une civilisation très ancienne, se trouve agitée par une philosophie de vie aussi flegmatique que sceptique, et pourtant dotée d'une vitalité incroyable. « C'est le peuple le moins rhétorique, le moins idolâtre et le moins fanatique de la terre. Même le temps ne les émeut pas, ne les effraie pas, car il est devant leur porte, palpable au bout leurs doigts. »
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Insel ou portrait de l'artiste en tête de mort fut écrit au coeur des années 1930, période à laquelle Mina Loy, figure emblématique des avant-gardes littéraires et artistiques de son temps, vit à Paris et y fréquente de nombreux artistes : Tzara, Ernst, Dali, Giacometti, Man Ray, ainsi que Richard Oelze, dont est inspiré le personnage d'Insel. Insel, seul roman de Mina Loy, narration méticuleuse et distanciée, est écrit dans une langue d'une puissance et d'un souffle rares.
Le roman est situé à Paris, entre l'atelier de la narratrice, son appartement, l'atelier d'Insel, l'Hôtel Lutétia, les cafés de Montparnasse (le Dôme, le Select), la Gare d'Orsay, les boulevards, les rues de la déambulation nocturne qui semblent ne jamais atteindre l'aube. Le roman donne à voir la relation passagère et profonde qui lie deux êtres dont l'un, la narratrice, cherche à saisir le vrai-faux mystère de l'autre, le personnage principal.
Le personnage d'Insel est l'incarnation de l'artiste moderne : sublime et dérisoire. Mina Loy a tenté de dévoiler de l'intérieur toutes les ruses de la psyché d'un artiste, d'un créateur en état de crise. Dès le début de la relation entre les deux personnages, il souffre d'un mal assez singulier - lequel, sans aucun doute, participe de son charme -, d'une pathologie de l'absence qui l'empêche « d'être là ». La thérapie de Madame Jones, son unique amie, consistera alors à l'amener peu à peu à l'existence; c'est-à-dire à le concrétiser, le matérialiser.
Figure du grandiose et du grotesque à la fois, Insel est tour à tour sujet et objet, manipulé sous la loupe et au scalpel, sans relâche. La loupe est ironique; et le scalpel, compassionnel.
Par-delà le personnage d'Insel (et des protagonistes contemporains, affublés ou non de pseudonymes, qui font des apparitions furtives au fil de la narration : Julien Levy, Peggy Guggenheim, Man Ray, Salvador Dali...), Mina Loy traque la figure de l'artiste, qu'elle met à nu. La langue de Insel dépose à même la page toute la merveilleuse étrangeté du mode de penser, de pressentir, d'imaginer de l'autrice. La prose de Mina Loy procède de la froideur du chirurgien qui opère à chaud, elle musicalise en images les variations intérieures de l'intelligence et de la cruauté du coeur. -
Tout autre chose est le premier livre de Claro aux éditions Nous. Il s'agit d'une sorte d'inventaire d'objets plus ou moins matériels, plus ou moins banals, en tout cas supposés quotidiens. Dans une langue à la fois sombre et précise, ces textes expriment l'inquiétude vis-à-vis de ces objets (couteau, coussin, ampoule, clou, caillou, clé...) qui - investis par le regard et les affects de l'observateur - s'animent d'une présence étrange, d'une sorte de vie onirique, voire cauchemardesque. Le quotidien en ressort modifié, il semble changer d'échelle, s'animer d'une puissance énigmatique et hors contrôle. Chaque texte est un mélange subtil de gravité, d'hallucination et d'humour, qui peut rappeler l'univers de Kafka. « Plutôt que d'isoler l'objet et d'en exploiter l'exacte nature, j'essaie de lui faire rendre gorge, de le machiner avec nos pulsions, de le traiter comme une chose animée, voire animale. Voir en l'objet, non pas la matière ou la forme, mais des possibles, et des impossibles ; le traiter sans ménage, le triturer, et le laisser se retourner contre nous (l'auteur, le lecteur). » [Claro]
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Ce livre rassemble les manifestes de la poète Mina Loy. Écrits entre 1914 et 1919, ces écrits incisifs portent autant sur la politique que sur l'esthétique et constituent les différentes facettes d'un programme radical et résolument moderne pour l'émancipation des femmes et des hommes dans les sociétés occidentales. Égalité hommes-femmes, libération sexuelle, éthique du courage et autonomie : autant des thèmes qu'abordent ces écrits polémiques, qui avec leur langue puissante et leur registre enragé tentent d'opérer la conjonction difficile entre les tendances individualistes typiques du modernisme et la révendication d'une démocratie égalitaire, donnant enfin toute leur place aux femmes en tant qu'individus autonomes. Mina Loy y livre son affirmation radicale d'une éthique du courage ainsi que des refléxions - sur le sexe et l'amour, sur le mariage, sur la prise de conscience du corps... - qui résonnent fortément avec les problématisations féministes d'aujourd'hui, et constituent une étape incontournable dans l'histoire du féminisme européen. Le Manifeste féministe, écrit en 1914, très connu dans le monde anglo-saxon, est suivi des « Aphorismes sur le futurisme », et de plusieurs textes courts sur la constitution d'une société démocratique prenant en compte les découvertes alors récentes de la psychanalyse, des « Aphorismes sur le modernisme », des « Notes sur l'existence », des réflexions sur « L'artiste et son public »...
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Les Journaux de Kafka, toujours surprenants, sont le lieu d'une écriture lucide et inquiète où se mêlent intime et dehors, humour et noirceur, visions du jour et scènes de rêves, où se succèdent notes autobiographiques, récits de voyages et de rencontres, énoncés lapidaires, ainsi qu'esquisses et fragments narratifs plus longs. Dans ce battement entre vie écrite par éclats et soudaines amorces fictionnelles, les Journaux se révèlent être le coeur de l'oeuvre de Kafka : le lieu où les frontières entre la vie et l'oeuvre s'évanouissent.
Cette édition est la première traduction intégrale des Journaux de Franz Kafka. La seule traduction française visant l'intégralité était à ce jour celle de Marthe Robert, publiée en 1954 chez Grasset. Mais elle ne correspond pas à l'intégralité des Journaux de Kafka. En effet, elle se base sur la version établie par Max Brod en 1951 : celui-ci avait procédé à une censure des textes de son ami, en éliminant les noms des personnes encore vivantes, et un certain nombre des remarques qui le concernaient lui-même. Dans sa volonté de faire de Kafka un « saint laïque », il avait également supprimé des passages jugés « obscènes ». Enfin sa chronologie, qui a été suivie par Marthe Robert, s'est avec le temps avérée erronée (la traduction française contenait d'ailleurs un certain nombre de fragments traduits à partir de la version anglaise, plus complète que l'édition originale en allemand - avec tous les risques qu'une traduction de traduction comporte). Se pose enfin la question, cruciale, de la place à accorder aux fragments fictionnels. Dans l'édition de « La Pléiade », ils sont absents du volume contenant les journaux. Or, ces textes figurent dans les mêmes cahiers manuscrits qui contiennent les notations « diaristes ». Et il y a un intérêt certain, par exemple, à pouvoir lire dans la continuité la première version, manuscrite, d'une nouvelle et, immédiatement après, le commentaire qu'en fait Kafka.
Les Journaux ce sont, matériellement, 12 cahiers in-octavo. Ils couvrent les années 1910 à 1922, avec de fortes disparités quant à la fréquence et à la longueur des notations. Kafka ne faisait pas de différence, quant au support d'écriture, entre la fiction et « l'autobiographie », celle-ci étant évidemment liée au projet de la tenue d'un « journal ». Nous suivons donc la leçon qui a été proposée dès 1990 par les éditeurs allemands de la « Kritische Ausgabe », qui ont reproduit à l'identique les cahiers manuscrits. La chronologie qui en résulte est très différente de celle de Max Brod. Le texte corrige aussi certaines erreurs du déchiffrage initial des manuscrits.
Cette version est donc la première à traduire en français l'intégralité des cahiers des journaux à partir des manuscrits. La traduction de Robert Kahn reste au plus près de l'écriture de Kafka, en préservant les litotes, la syntaxe, en « laissant résonner dans la langue d'arrivée l'écho de l'original ». Elle s'inscrit ainsi à la suite de ses retraductions remarquables des lettres À Milena (2015) et des Derniers cahiers (2017).
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Nous crachons sur Hegel est le livre le plus connu de Carla Lonzi, ici traduit intégralement pour la première fois. Il expose et concentre toute la pensée de cette figure emblématique du féminisme radical italien, et sera accompagné d'une postface soulignant l'inscription évidente de cette voix puissante dans la constellation des féminismes d'aujourd'hui. Le titre résume de la manière la plus irrévérencieuse la critique féministe du « projet révolutionnaire » marxiste - dont Hegel est la métonymie. Repère décisif de l'histoire du féminisme, cette pensée « à coups de marteau », à la fois en décalage avec les revendications féministes de son époque et en résonance anticipée avec les débats d'aujourd'hui, apporte des éclairages d'une étonnante fraîcheur sur des thématiques aussi diverses que le corps, les enjeux socio-politiques du désir, du sexe et de l'amour, le patriarcat en tant qu'instrument capitaliste et culturel de domination.
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Dieu est entre guillemets
Jacques Jouet
- Nous
- Antiphilosophique Collection
- 19 Avril 2024
- 9782370841353
« Chacun des 925 numéros de ce livre correspond aux 925 numéros des Pensées de Pascal dans l'édition
Brunschvicq (dernière édition des Pensées, établie pour la collection des Classiques Hachette, Librairie
générale française, 1972). Chaque numéro, parfois deux ou trois qui se suivent, est le poème médité d'un
jour, tiré, pressé, éclos d'un item pascalien. Je n'ai pas lu Pascal pour éprouver un argumentaire qui aurait
voulu convaincre de la vérité de la religion chrétienne et de sa nécessité. C'est le frappeur de formules qui
me retient dans la manière de Pascal. Combien sont entrées dans la langue ?!... de la puissance des mouches
aux Pyrénées du vrai. Je pense qu'un poète est, entre autre, un nommeur. Pascal ne peut que l'inspirer par
l'extraordinaire énergie de sa forge. C'est donc la manière aphoristique de Pascal qui m'a le plus retenu. Les
poèmes ici relèvent souvent de ce registre (même si ce n'est pas le seul, loin de là, qui m'intéresse en poésie).
Je voulais qu'on lise une suite le moins possible interrompue, le lecteur pouvant, s'il le désire, à l'aide de la
numérotation, aller voir dans Pascal le morceau qui servit de fronton. Le titre d'ensemble Dieu est entre guillemets vient du fait que j'ai toujours écrit Dieu : « Dieu «, comme également « saint «. Impossible autrement.
Lorsque j'ai, à plusieurs reprises, lu en public des morceaux de cet ensemble, j'ai toujours prononcé, comme
une indication occasionnelle à l'auditeur : Dieu est entre guillemets. Cette façon de refrain oral est devenu
le titre écrit. » [J. J.]
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Après la réhabilitation de la romancière, la découverte de la poète. Élégie pour une jeune fille en noir est un inédit de Hélène Bessette, seul texte de poésie dans son oeuvre. La forte tonalité autobiographique, l'extrême simplicité de la langue donnent à voir la confession et le regret d'une passion amoureuse qui s'adressent, au seuil de la mort, à une mystérieuse jeune fille en noir. Il s'agit d'un ultime livre bouleversant, soutenu par la force et la singularité d'une écriture conclusive et secrète.
Acclamée par de nombreux auteurs et critiques - Claude Mauriac, Alain Bosquet, Nathalie Sarraute ou Marguerite Duras (« La littérature vivante, pour moi, pour le moment, c'est Hélène Bessette, personne d'autre en France », disaitelle) - Hélène Bessette a publié 13 romans chez Gallimard entre 1953 et 1973, chacun mettant à mal les codes narratifs traditionnels. Dans son oeuvre, dont l'édition intégrale a été entreprise par Othello (Le Nouvel Attila), un seul texte fait exception, semblant s'écarter in extremis de la forme romanesque. Il s'agit d'Élégie pour une jeune fille en noir, sur lequel Hélène Bessette travailla les dernières années de sa vie.
Ce long poème lyrique peut être lu de plusieurs manières : comme la déclaration d'une femme vieillie (Je reste sidérée / d'être vieille / Je pensais tant ne l'être jamais) à la jeune fille aimée, confession rétrospective d'un amour homosexuel resté secret et impossible. Ou comme une adresse, depuis la vieillesse, à la jeune fille qu'elle était et qui n'est plus. C'est une sorte d'« élégie autobiographique », écrite au seuil de la mort - Hélène Bessette s'y livre dans une langue tendue, magnifiquement dense et musicale. Dans ce long chant mélancolique, elle retraverse sa propre vie, sa propre jeunesse, elle se raconte avec l'intransigeance qui aura toujours été la sienne, poussant jusqu'au bout, une dernière fois, l'exploration des singularités de sa langue.
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Ferdinand est le seul roman de Louis Zukofsky, publié ici pour la première fois en français. Les éditions Nous poursuivent l'édition de l'oeuvre de Louis Zukofsky - après 80 Fleurs (2018), et surtout après son « poème d'une vie », « A » (2020). Livre charnière dans son oeuvre, Ferdinand est l'une de ses très rares proses narratives, un livre méconnu et à part dans sa bibliographie, récit familial et historique qui donne à voir une sorte de double de l'auteur, où se développe la fiction d'une vie depuis l'enfance et jusqu'à l'âge mûr d'un individu solitaire interrogeant ses origines et ses liens. On voit dans ce petit roman toute la singularité de l'écriture de Louis Zukofsky, ainsi qu'une facette inattendue de son oeuvre. Cette première traduction viendra enrichir la réception française du théoricien et chef de file de l'objectivisme. Le roman est précédé d'une introduction par le traducteur, Philippe Blanchon, et suivi d'une postface de Pierre Parlant.
Ferdinand est le récit d'une existence, de l'enfance à l'âge mûr, d'un individu solitaire, confié après sa naissance à une tante et à un oncle en terre étrangère - l'Italie - avant de faire ses études à Paris et de rejoindre les USA jeune homme. Portrait d'un individu qui souffre, adolescent, d'avoir quitté les êtres chers de son enfance (un père de substitution et un premier amour), d'avoir pressenti qu'il ne maîtriserait jamais son destin devant suivre la voie tracée par un père inconnu et par un frère qu'il n'aime guère. Ferdinand, adulte, ne parviendra à se lier qu'à trois singuliers personnages : un Russe sympathisant de la Révolution malgré sa condition d'exilé, un Anglais et un Juif new-yorkais qu'il surnomme « le rabbin ». -
Les poèmes qui constituent Eau de poulpe sont autant d'éclats de Sicile. Ils ont été choisis dans l'ensemble de l'oeuvre et sont donnés dans l'ordre chronologique de composition, de 1943 à 1978. Tous ont un rapport, explicite ou allusif, à la Sicile. Ils sont écrits dans une langue d'une simplicité apparente, dont l'efficacité réside en une sorte d'économie, en une sobriété assumée. La Sicile de Cattafi - même s'il en explore les beautés et l'intensité - n'est jamais une Sicile idéalisée, il s'agit bien au contraire d'une Sicile éprouvée, abordée dans toute son âpreté. Brefs et denses, ces poèmes de Sicile sont écrits dans la langue si spécifique de Cattafi : nette, directe, élémentaire et intense.
Ces poèmes témoignent d'une grande disparité de tonalités et d'affects. Frappant est le contraste, d'un poème à l'autre, entre la douceur de la vie, de la nourriture, de la végétation d'un côté, et la pauvreté, la dureté de la vie, et la violence de l'histoire de l'autre. L'abord est tantôt géographique, tantôt historique, ou climatique, il est parfois gastronomique, et ponctuellement autobiographique. L'ensemble compose une sorte de portrait lacunaire, à facettes, d'un rapport à la Sicile. -
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Chambre distante est le troisième livre d'Emmanuel Laugier aux éditions Nous, après ltmw (2014) et Chant tacite (2020). Chambre distante est un livre de 111 poèmes écrits à partir de 111 photographies.
Les poèmes sont inscrits comme une ombre sur le verso de la page, se tenant dans l'espace de la page comme l'envers d'une image absente mais nommée. Le livre est écrit à la manière d'une investigation sensible, à partir de la fréquentation de multiples photographies, du dix-neuvième siècle à aujourd'hui.
Chaque poème est la transcription langagière d'un regard et de ce que l'image fait au regardeur-scripteur.
Les poèmes sont à la fois l'évocation et la trace d'une rencontre avec les oeuvres, de l'expérience d'écriture qu'elles produisent. -
Livre culte, oeuvre majeure de la litte´rature ame´ricaine du vingtie`me sie`cle et aboutissement d'un immense travail de traduction qui aura dure´ une vingtaine d'anne´es, « A » est enfin accessible en franc¸ais dans son e´dition inte´grale.
Chef-d'oeuvre de Louis Zukofsky et sommet de l'objectivisme, la publication de « A » est l'e´ve´nement poe´sie de ces dernie`res anne´es.
Zukofsky disait de « A » : « ces mots sont ma vie » - il y aura consacre´ quarante cinq anne´es de travail.
Oeuvre majeure de la modernite´ ame´ricaine, « A » peut e^tre lu a` la fois comme un manifeste, le te´moignage d'une vie traverse´e par les espoirs et les de´sastres du sie`cle dernier, une que^te de l'amitie´ (Ezra Pound, William Carlos Williams) et un chant d'amour pour sa femme Celia. Dans « A » se me^lent inextricablement la vie de Louis et de sa famille, les e´ve´nements historiques du vingtie`me sie`cle, la musique, une re´flexion morale et politique hante´e par la pre´sence textuelle de Marx et Spinoza. Les 24 sections qui composent « A » - 24 comme les heures d'une journe´e - re´ve`lent une me´thode de composition d'une grande audace, qui alterne le vers rime´, le vers libre, le collage, la correspondance, les citations, l'e´criture the´a^trale, l'e´criture musicale...
Le mode`le prosodique demeure le vers de Shakespeare, son mode`le rythmique, l'art de la fugue et du contrepoint de Bach.
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Classique de la littérature italienne du vingtième siècle, Feuille de route est le premier livre de poèmes de Franco Fortini traduit intégralement en français. Figure exemplaire de l'intellectuel engagé, Franco Fortini est aussi l'un des grands poètes italiens du vingtième siècle, encore trop peu connu en France. Foglio di via est son premier livre, et sans doute son livre de poèmes le plus emblématique.
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Venise, peut-être recueille les textes qu'Andrea Zanzotto a consacrés à Venise et à la Vénétie. Mais il s'agit d'une autre Venise, peut-être : à la fois vue de très près et comme vue du ciel, prise dans un cadre plus vaste - une ville reliée, inscrite dans le temps intime et historique, dans la matière et dans l'espace. Venise n'est pas un joyau détaché, elle doit s'approcher de l'extérieur, ne se comprend qu'à travers sa lagune et son ancrage dans sa région, la Vénétie, site de terribles batailles de la première guerre mondiale et, plus tard, haut lieu de la lutte partisane. Venise, peut-être témoigne d'une certaine idée de l'écologie, du paysage et de l'habitation, où l'homme et la nature interagissent et se confrontent, où ville et nature sont le lieu d'une passion et d'un combat intimes et politiques.
La ville entière a tenu ses temps resserrés contre elle, comme les pièces d'une marqueterie : fruit et ver, bave lumineuse et scories, puanteur chaque fois changée en parfum : comme un point d'absurdité dans le présent.