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Rémi Carayol
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Il y a cinquante ans, le 22 décembre 1974, la population des quatre îles de l'archipel des Comores (Grande Comores, Anjouan, Mohéli et Mayotte) était invitée à se prononcer sur le statut de leur territoire : plus de 99 % des GrandComoriens, des Anjouanais et des Mohéliens votèrent pour l'indépendance. Mais à Mayotte, où un courant sécessionniste animé par l'élite créole exerçait un puissant lobbying, 63 % des électeurs votèrent contre, tandis qu'à Paris, l'armée et le « parti colonial », encore très puissant, ne voulaient pas perdre cette position stratégique dans l'océan Indien. La France accorda donc l'indépendance à trois îles (tout en choisissant leurs dirigeants), mais conserva la quatrième. Près de quarante ans plus tard, en 2011, Mayotte devient le 101e département français dans le cadre d'un processus unique de « colonisation consentie ».
Tout renvoie à la colonie sur cette île : les « mzunguland », ces ghettos de Blancs, la hiérarchisation raciale au travail comme dans la vie quotidienne, l'effacement culturel, l'économie hors-sol tournée vers la « métropole »... Entre des Mahorais reniant leur passé pour être « Français à tout prix », dont la dérive vers l'extrême droite semble sans fin, des « métros » qui se comportent en terrain conquis et cultivent l'entre-soi, et des Comoriens qui tentent de faire leur place dans un climat hostile, la violence de la vie à Mayotte est le résultat de ce double processus de dislocation et de colonisation.
Ce livre raconte les différentes étapes de cette histoire et dresse un portrait sans concession de Mayotte et de ses habitants, et plus largement de la France et du « présent colonial » qui continue de l'animer. -
L'intervention militaire engagée par la France au Sahel tourne au fiasco. Lancée en janvier 2013, l'opération Serval ressemblait au départ à une success story. Les quelques centaines de djihadistes qui avaient pris le contrôle des principales villes du Nord-Mali furent mis en déroute. Des foules en liesse, brandissant ensemble les drapeaux français et malien, firent un triomphe à François Hollande lorsqu'il se rendit à Bamako.
Tout cela n'était pourtant qu'un mirage. En quelques mois, l'opération Barkhane, qui prend le relais de Serval en juillet 2014, s'enlise. Les djihadistes regagnent du terrain au Mali et essaiment dans tout le Sahel : des groupes locaux, liés à Al-Qaïda ou à l'État islamique, se constituent et recrutent largement, profitant des injustices et de la misère pour se poser comme une alternative aux États déliquescents. Au fil des ans, la région s'enfonce dans un chaos sécuritaire et politique : les civils meurent par milliers et les coups d'État militaires se multiplient. Impuissante, la France est de plus en plus critiquée dans son " pré carré ".
L'armée française, imprégnée d'idéologie coloniale et engluée dans les schémas obsolètes de la " guerre contre le terrorisme ", se montre incapable d'analyser correctement la situation. Prise en étau entre des décideurs français qui ne veulent pas perdre la face et des dirigeants africains qui fuient leurs responsabilités, elle multiplie les erreurs et les exactions. Des civils sont tués. Des informateurs sont abandonnés à la vengeance des djihadistes. Des manifestations " antifrançaises " sont violemment réprimées.
Sous couvert de la lutte contre la " barbarie ", la France a renié les principes qu'elle prétend défendre sur la scène internationale. Le redéploiement du dispositif militaire français au Sahel, annoncé par Emmanuel Macron, n'y change rien : la France poursuit en Afrique de l'Ouest une guerre qui ne dit pas son nom, et sur laquelle les Français n'ont jamais eu leur mot à dire. -
Les sentinelles de la démocratie en Afrique, tournons La Page : histoire d'un mouvement militant politique en Afrique
Rémi Carayol
- Karthala
- Terrains Du Siecle
- 24 Octobre 2024
- 9782384092499
Le 15 octobre 2014, un nouveau collectif transnational, Tournons La Page, lance un appel : « En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance ». Les quelques activistes à l'origine de cette tribune n'imaginent pas que, dix ans plus tard, leur campagne internationale appelant à dénoncer les coups d'États institutionnels et à soutenir les alternances démocratiques se serait transformée en une puissante organisation regroupant des centaines d'associations et des milliers de militantes et de militants dans quinze pays africains et en Europe, représentant une force de contestation et de propositions reconnue sur le continent. Aujourd'hui, Tournons La Page (TLP) est une coalition avec laquelle les chefs d'États africains et les diplomaties internationales doivent compter. Alors que, dans le nouveau désordre mondial, le modèle démocratique est en déclin - en Afrique plus encore que dans le reste du monde - que dans plusieurs pays du continent, les élites politiques traversent une crise de légitimité, et que les traditionnels contre-pouvoirs se sont coupés d'une partie de la population, les sentinelles de TLP ont inventé une nouvelle forme de militantisme. Capables de mobiliser sur le terrain comme sur les réseaux sociaux, de défendre leur cause dans les chancelleries comme dans les villages les plus reculés, elles rappellent que la démocratie est un combat quotidien. TLP, est aussi l'histoire unique d'une forme de coopération Nord-Sud où les membres africains de la coalition ont progressivement pris les choses en main, en transformant le mouvement et en le façonnant à leur image. Cette évolution ne s'est pas faite sans remous. En ce sens, l'histoire de Tournons La Page est, à son échelle, une expérience démocratique unique en son genre. Ce livre retrace cette expérience inédite, en donnant la parole à celles et ceux qui l'ont animée, en retraçant leur parcours et les débats qui ont traversé ce collectif militant. C'est la tumultueuse marche du continent africain ces dix dernières années, de l'insurrection au Burkina Faso aux coups d'État au Niger et au Gabon, que cet ouvrage éclaire d'une autre lumière.