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Eugène Savitzkaya
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« Ici, à Paris, au bord du canal, à deux pas du grand palais indien aux fresques colorées, il pense à vous, le fou qui marche, le fou qui sue, le fou qui boit l'eau fraîche de la fontaine d'Aubervilliers, l'eau filtrée par les sables du sous-sol d'Aubervilliers, l'eau vivante, l'eau habitée, froide et fluctuante. Il pense à vous, le fou, à vous qui chantez l'après-midi lumineux dans vos appartements étroits en regardant une fleur du papier peint qui recouvre les vieux murs humides ou bien une fleur épanouie dans un petit vase de zinc vieilli, de verre dépoli ou de porcelaine fine, ou en épluchant un oignon rouge, cet oignon qui fait pleurer vos yeux, vos yeux de chatte ou de renarde, vos jeunes yeux ou vos vieux yeux de chien battu, en allumant des bougies, les sept bougies du chandelier ou les deux bougies flanquant le portrait fané de votre grand-mère qui vous fait un signe depuis le paysage enneigé d'un lointain passé. Et ce fou vous écrit qu'il faut peut-être changer de terre, de globe, de famille ou de pays. Il vous aime tant tous les trois, tous les dix-sept, tous les milliards, comme féerie indispensable au bon cours des choses, comme fantôme bienveillant. »
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Dans ce livre, tout se passe pour la première fois. Marin découvre le monde et le monde découvre Marin. Marin ou une partie de Marin peut se dissoudre dans l'eau et s'élever dans l'air. Marin est hypnotisé par un chat. Marin oblige la mer à s'aplatir. Marin mange du poisson et Marin mange de la terre. Le riz fait rire Marin. Marin ou une partie de Marin s'enfuit en carrousel. Qui est Marin et de quoi est-il fait ? À ces deux questions, il n'existe qu'une réponse. Mais l'auteur préfère donner sa langue au crapaud-buffle.
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Toutes les dents de Louise n'ont pas été comptées, ni ses cheveux et sa courbe de croissance n'a pas été analysée. Une petite fille grandit sur l'écorce de la terre qui projette une partie de son cercle sur le disque lunaire reflétant le soleil dans la grande nuit des astres, des gaz et des poussières.
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Il était une fois un pays grand comme un continent que parcouraient deux voyageurs, un couple étrange formé d'une renarde et d'un héron, partis sur les traces d'une femme captive et à la recherche de la fée qui libéra les enfants du joug familial, des matrones et des maquereaux. Or, en ce pays lointain, les poules avaient disparu et les coqs s'étaient faits moines.
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Pourquoi frauder est la question primordiale de ce récit qui ne parle que d'enfants que l'été retarde dans les champs et les taillis. Fous qu'ils étaient, ils chérissaient leur mère et menaient contre leur père un combat acharné, véritable guérilla, ayant choisi, à la manière des partisans, le repli dans les hautes herbes et l'alliance avec les bêtes À tous les modes, à tous les temps, voici l'histoire romancée d'un garçon fraudant la vie comme on fraude l'État, la douane, le fisc, l'église ou la couronne. Échappera-t-il pour autant à la mort qui achève tous les organismes vivants et dissout les assemblées ? Mourra-t-il pour autant à la vie qui entraîne tout dans son giron ?
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Le moindre vent nous décoiffe, le plus petit cri nous fait sursauter, l'acidité nous fait grimacer, l'aigre émeut nos sinus, la douceur nous appelle et nous écoeure, le sel relève les saveurs des aliments, le poivre révèle l'amertume de l'orange, la nuit attend le jour et les années s'étirent, le châtaignier doit revivre, le coeur active le sang. Mais, sans la cyprine, point de bonheur en ce monde, ni d'appétit.
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Quatre textes proches de la profération théâtrale voire de l'imprécation, qui appartiennent plutôt à la veine burlesque de l'auteur. On y retrouve les thèmes qui lui sont chers, l'univers du conte et du merveilleux, la matérialité corporelle, le goût assumé pour tout ce qui est bas et méprisé mais qui est aussi le lieu fécond de l'engendrement et de la création.
Quand le trivial se marie à la féérie.
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Celebration d'un mariage improbable et illimite
Eugène Savitzkaya
- Éditions du Minuit
- 23 Février 2002
- 9782707317926
Quelque part dans le monde un festin se prépare, des noces sont célébrées : la corporation des bouchers marie ses enfants.
Pour honorer les deux tribus qui se lient, sont présentes les autres tribus de la confrérie/sororerie. on parle, on boit, on chante, on jure, on évoque le destin. autour des convives, le temps, s'exprimant par le vrombissement des mouches, le bourdonnement des abeilles, le bruit des feuilles et les trilles têtus des merlettes, les asperge de questions fondamentales. fiancée et fiancé sont absents de la fête.
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Il est en miettes, en morceaux ottants, en fragments brisés. Il est en éclats qui se forment et se déforment comme au gré des vents, une fumée qu'un moindre sou e assemble et défait. Sa charpente elle-même est déconstruite. Il est comme un char à deux roues dont les roues s'écartent et divergent, roulant chacune pour son propre compte, disloquant le char à chacun de leurs mouvements. Il est plusieurs matières qui s'a rontent, s'écrasent, s'entre pénètrent. Il est pris dans l'écrasement, dans une lutte de roches qui s'abrasent en se rencontrant, qui se dégradent en se frottant et sa boîte crânienne est au coeur de ce chaos et tous les éléments de son corps sont au coeur de ces diverses pressions, pressions qui se rejoignent et se repoussent, qui s'annulent et se renforcent par ces luttes qu'elles mènent les unes contre les autres. Et il n'y a aucune accalmie dans cet affrontement, aucune paix dans cette confrontation, pas la moindre relâche, pas le moindre temps mort. Il n'y a pas de repos pour lui, jamais, sauf en trichant avec les forces qui l'oppressent, en s'escamotant, en faisant semblant de disparaître, de n'être plus, de ne plus vivre, de ne plus agir et en perdant peu à peu toute énergie, choisissant la fatigue pour amie et la paresse comme alliée. Il ne sait pas qui il est, jamais, il ne peut se nommer, il ne peut se dé nir, il est toujours autre, jamais soi.
« Je voulais depuis longtemps parler du regard des normaux sur les anormaux, utiliser le théâtre comme chambre d'écho à cette relégation des fous, des "dingues", hors des frontières de la bienséance conventionnelle. Je voulais ainsi mettre en lumière une question réservée trop souvent aux amphithéâtres des facultés et à l'intimité des chambres. Celle de la folie. Ce faisant, il me semblait qu'il ne s'agissait ni plus ni moins que d'envisager ce qu'il reste en nous d'accueillant pour le différent. » Hélène Mathon
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Il y a un jardin au milieu d'une ville. Au milieu du jardin est bâtie une maison. Il y a du bruit et des odeurs : la maison est habitée. Les habitants de la maison vaquent à leurs occupations. Les tâches sont nombreuses et très variées. Il faut réparer les vêtements et la maison elle-même qui, comme la plupart des maisons, menace de tomber en ruine. Il faut préparer les repas et manger. Il faut balayer et nettoyer. Sitôt nés, les enfants grandissent. Lorsqu'elle est pleine, on sort la poubelle. Après la nuit vient le jour. Au jour succède la nuit. Après l'automne vient l'hiver. Les vêtements s'usent. Les cheveux vieillissent et redeviennent très fins et très doux. On cuit des légumes verts dans l'eau bouillante. Le sel est à sa place.
Ce texte est paru en 1995.
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Quelqu'un crache sur les fleurs ou pisse dessus mais les vénère. On entend rouler les camions et on regarde passer les avions. On propose une illusion, un roman peuplé non pas de perruches mais de perriches, foutrepoli !
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Les couleurs de boucherie
Eugene Savitzkaya
- Flammarion
- Poesie Flammarion
- 2 Octobre 2019
- 9782081461536
C'est un ouvrage quasiment mythique que la collection Poésie/Flammarion accueille aujourd'hui : parues chez Bourgois en 1980, Les couleurs de boucherie étaient en effet épuisées depuis plusieurs décennies. Il s'agit pourtant d'un des livres majeurs d'Eugène Savitzkaya, composé à la fin des années 1970, parallèlement à ses premiers romans. Avec L'Empire (également repris dans ce volume) on peut même considérer qu'il s'agit de la matrice de toute son oeuvre à venir : une plongée sans précédent, par une écriture à proprement dire envoûtée, dans un univers qui a la pureté, la cruauté, la fulgurance de l'imaginaire enfantin.Un livre qui n'a rien perdu de sa puissance fondatrice, à redécouvrir d'urgence...
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Pourquoi ne pas écrire des poèmes tranquillement assis sur une berge effondrée, en pêchant sans espoir, en mangeant des baies d'églantier, en toussant ou sans bruit, entouré de rats presque discrets, de crapauds, face à la gare désaffectée, au pied de l'autoroute, en dormant, ravi, colérique ou plein de frayeur ? Pourquoi ne pas pêcher l'ombre ? Pourquoi ne pas manger les fruits ? Pourquoi ne pas demeurer silencieux ? Et aussi pourquoi écrire des poèmes ?
Ce recueil de poèmes est initialement paru en 1986.
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Personne ne peut dire si c'est la farce qui améliore le cochon ou si c'est le cochon qui donne à la farce sa pleine saveur. Ce qui est sûr c'est que le contenu participe du contenant, et vice versa, pour donner au tout l'agrément nécessaire à sa consommation. Ce cochon-ci est farci avec les éléments de sa propre constitution agrémentés d'épices exotiques et d'herbes de saison.
Ce recueil de poèmes est paru en 1996.
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Les protagonistes de La Traversée de l'Afrique, les peintres, les mécaniciens, les oisifs, sont, pour la plupart, des jeunes gens comme il s'en trouve beaucoup : libres, heureux mais tristes, contraints par une sorte de fatalité. Ils sont inventifs, mais ne veulent pas construire. Ils travaillent, mais en pure perte, comme on joue au meccano. Ils entreprennent, mais accumulant les échecs. Ils aiment leur mère, mais ne la reconnaissent plus parmi les femmes. Ils ont perdus leur virginité. Ils veulent tout, mais leurs vies n'aboutiront qu'à la faillite et ils disparaîtront avec leurs outils et leurs machines.
La Traversée de l'Afrique est paru en 1979.
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Ce roman est la biographie exemplaire d'une célèbre vedette de la chanson, qui n'y sera jamais nommée.
Certes, l'ouvrage est dédié à la mémoire d'elvis presley, mais l'auteur ne respecte guère les lois du genre. il transforme certains épisodes réels, il ajoute des détails inexistants et saugrenus, il affabule, il ment. la vie de ce chanteur qui fit courir les foules s'engraissa peu à peu de luxe et de dilapidation : derrière le strass, les automobiles de luxe et les paillettes, c'est pourtant d'un coeur pur qu'il est ici question.
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Cenotaphe / cenotaaf ; poèmes inédits (1973)
Eugène Savitzkaya
- Atelier De L'Agneau
- 19 Février 2004
- 9782930188041
Ces poèmes inédits écrits en 1972 , c'est-à-dire à ses débuts, donnent le meilleur de l'univers poétique d'Eugène Savitzkaya, une concrétion d'images autour du corps et des animaux enroulés dans les éléments naturels ou des objets hétéroclites. Une pointe de sacrificiel pique le tout : " Les singes dorment nez à nez, anneaux enfilés jusqu'aux coeurs " " De Savitzkaya, l'Atelier de l'Agneau avait déjà publié Rue Obscure (1976) ou Plaisirs solitaires (1979) écrits avec la complicité de Jacques Izoard. Le premier titre (Le Coeur de schiste) était cependant paru en 1974, c'est à dire un an après Cénotaphe qui marque donc comme une préhistoire à la publication. Savitzkaya avait dix-huit ans.
(...) En vis-à-vis, l'éditeur laisse voir les pages manuscrites de ce qu'on lit : écriture pressée, horizontale à vouloir trop vite finir sa course, avec peu de ratures.
(...) Le cénotaphe est peut-être celui de l'adulte que Savitzkaya se refuse à devenir et pour lequel il n'a de cesse de dresser le tombeau. Comme un talisman.
T.Guichard, Le Matricule des Anges
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Capolican ressent le besoin d'avoir des frères et des soeurs. Mais il n'a plus rien à exiger de sa mère, sinon qu'elle se taise et disparaisse. Alors, suivant les conseils du coq, il crée le moule d'où ils sortiront.
S'il fut content de sa fabrique? Demandez-le lui. Mais vous le dira-t-il?
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Alain le Bras, portrait en pied ; trois lettres à R.V.. ; plaisirs solitaires
Eugène Savitzkaya
- Atelier De L'Agneau
- Archives
- 15 Septembre 2009
- 9782930440163
Des lettres de 1974, à Plaisirs solitaires, qu'il écrit en 1979 avec Jacques Izoard, jusqu'à Alain Le Bras, portrait en pied en 1987, texte à cet ami disparu un peu plus tard, l'écriture de Savitzkaya est « comme une goutte de sang ou de liqueur » : ainsi désigne-t-il lui-même « la plus belle couleur ». L'hommage fantasque, poétique, à caractère universel, d'un écrivain à un artiste.