La psychanalyse créée par Freud, et prolongée aux États-Unis par l'ego-psychology, s'était proposé, à l'origine, de replacer sous l'autorité du conscient ce qui nous commande à partir de l'inconscient. Thomas H. Ogden, avec cette nouvelle série d'essais, élargit considérablement la focale. Dans Cet art qu'est la psychanalyse (Ithaque, 2012), il y voyait plutôt un moyen de rêver des rêves inrêvés. Il franchit ici un pas décisif: c'est bien plus encore, c'est le moyen de vivre des vies non vécues. On observe ainsi le grand analyste californien se détacher peu à peu du modèle classique d'une cure fondée sur l'association libre et orientée sur la connaissance de soi, et en appeler à une psychanalyse «ontologique», orientée sur l'être et son devenir. Dans ce cheminement, il s'appuie sur Bion et Winnicott, dont il nous livre ici encore des exégèses subtiles. Mais il s'aventure aussi à interroger ce qui fait qu'on devient analyste, ce qui advient à l'être de quelqu'un dans ce nouveau mode de fonctionnement psychique et à quel point la transformation en question ne se laisse pas réduire à un simple changement «épistémique». À sa façon toujours hautement personnelle, il examine après-coup par quoi, lui, il est passé à cet égard.
Durant 10 ans, entre 1969 et 1979, les « éducateurs » du réseau de Fernand Deligny, dans les Cévennes, ont transcrit, au jour le jour, les déplacements et les gestes des enfants autistes avec lesquels ils vivaient jour et nuit dans des campements et des fermes. Plus de deux cents de ces cartes, récemment retrouvées dans les archives de Deligny, sont reproduites ici en couleur. Elles sont accompagnées de descriptions minutieuses par ceux qui les ont tracées et d'une introduction de Sandra Alvarez de Toledo (éditrice des OEuvres de Deligny, parues en 2007), qui explicite le contexte de cette recherche et la nature de ces documents. Les « lignes d'erre » témoignent d'une des tentatives les plus singulières de l'histoire de la psychiatrie au XXe siècle, en marge de la prise en charge institutionnelle de l'autisme comme de l'antipsychiatrie.
Ce livre sera l'occasion de préciser ce qu'il en est de la spécificité de ces documents, dans le contexte de la cartographie ET de l'autisme qui suscitent actuellement un grand intérêt, de la part du public comme des spécialistes. Il permettra également de rappeler l'importance, aujourd'hui, de la pensée de Fernand Deligny sur l'humain, l'espace et le langage, sur la place de l'objet, les mécanismes de production de l'image, etc.
J'ai passé dix ans au pays psychiatrique, ma vingtaine. Années pendant lesquelles j'ai le corps bourré de chimie, la tête écrasée dans l'emprise des discours des psychiatres, une peur XXL verrouillée dans le ventre. Dans ce récit j'ouvre une fenêtre sur un espace qui est tout le temps clos : celui de l'hôpital psychiatrique et des violences qu'on y croise et subit, celui des consultations qui dissocient deux mondes bien distincts. D'un côté, les psychiatrisés, de l'autre, ceux qui possèdent les droits de dominer. Un espace dans lequel l'abus de pouvoir bat son plein. C'est cette histoire-là que je raconte.
J'ai des soucis de santé mentale, j'en avais avant la psychiatrie, j'en ai encore aujourd'hui et je surveille ma tête comme on veille le lait sur le feu. Pour me sentir plus forte j'ai eu besoin de trouver comment dire avec justesse ma propre histoire, et j'ai eu envie d'un récit collé au plus près de l'intime pour que d'autres s'y retrouvent. Ce livre vient d'un désir de mise en commun : pour une fois, les transmissions d'informations utiles se font de notre côté à nous. J'ai écrit pour que nous nous sentions moins seuls, j'ai écrit dans la crudité des événements, sans lisser les faits, sans tenter de minimiser leur cruelle portée.
Un récit chargé qui fait pourtant comme une bouffée d'air.
Sylvie Sesé-Léger aborde ici le second volet de sa lecture des cures freudiennes en renouvelant l'approche des cures masculines cette fois. Comme dans Freud et le féminin, elle met en résonance les écrits de Sigmund Freud avec le témoignage de ses patients qui ont publié les souvenirs de leur analyse, en faisant la lumière sur le contre-transfert de l'inventeur de la psychanalyse. Son approche révèle combien Freud se trouve aux prises avec l'inconscient de ces hommes venus entreprendre une analyse avec lui, et revient sur certaines problématiques liées à la sexualité masculine dans la première moitié du XXe siècle. Les analyses de l'Homme aux rats et de l'Homme aux loups ont été à l'origine du corpus doctrinal de la psychanalyse ; celles de Sergeï Pankejeff et de Ernst Lanzer, de notions majeures. Tandis que d'autres patients, Abram Kardiner, Ernst Blum, Smiley Blanton et Joseph Wortis, des élèves venus majoritairement d'Amérique pour recevoir leur formation et être autorisés à exercer la psychanalyse, ont incarné les pièges de l'analyse didactique où l'analysant se soumet au savoir qu'il est censé transmettre. Ce livre expose brillamment la scène transférentielle et ses tumultes, en redonnant vie à ces rencontres qui se déroulaient au 19 Berggasse.
Élisabeth Roudinesco et Michel Plon Dictionnaire de la psychanalyse Riche de plus de six cents entrées, ouvrage de référence pour les professionnels et les étudiants comme pour le grand public, ce volume est le premier dictionnaire international qui traite de la psychanalyse sous tous ses aspects avec une approche à la fois historique, théorique et pratique : concepts, acteurs (théoriciens, praticiens, cas cliniques, intellectuels et artistes liés à son histoire), écoles et courants, maladies, techniques de cure, autres thérapies psychiques, histoire par pays, etc.
De très nombreux renvois, une bibliographie à chaque entrée, une chronologie de l'histoire de la psychanalyse dans le monde depuis ses origines et un index complètent cet impressionnant corpus, qui a été entièrement revu et mis à jour pour cette édition.
Nouvelle édition.
En suivant les chemins parcourus par son expérience des lieux de l'analyse, l'auteur, qui se refuse à rédiger un traité d'éthique analytique et pour qui la morale n'ouvre pas de portes freudiennes, rencontre des situations vivantes dans lesquelles, le plus souvent, pour demeurer créatif, il côtoie les limites de ce qu'il pense être autorisé. En d'autres termes, il explore les conséquences de la vie amoureuse pour la pensée de l'analyse et la pensée tout court.
On sait, depuis Freud et sa référence à saint Paul, que « si [on n'a] pas l'amour [...] », on n'est que bruit et vent. La pensée est en effet une matière amoureuse, sexuelle, dense, irriguée par la libido, et soumise aux déviations.
Question : le psychanalyste peut-il évaluer les problèmes éthiques - théoriques comme pratiques - avec une pensée dont la source est « perverse polymorphe » ?
Réponse : oui.
" Au-delà d'une simple recension des " vocables " psychanalytiques, ce Vocabulaire propose une réflexion, allant du plus simple au plus complexe, sur l'ensemble des concepts que Freud et d'autres à sa suite ont progressivement élaborés, pour rendre compte des découvertes de la psychanalyse. Notre commentaire a tenté, à propos des notions principales qu'il rencontrait, d'en lever ou tout au moins d'en éclairer les ambiguïtés, d'en expliciter les éventuelles contradictions. Il est rare que celles-ci ne débouchent pas sur une problématique susceptible d'être retrouvée dans l'expérience même. " (J. Laplanche, J.-B. Pontalis).
Ce Vocabulaire, fut publié pour la première fois en 1967 dans une version reliée, puis repris dans la collection Quadrige et son succès, tant en France (plus de 100 000 exemplaires vendus) qu'à l'étranger (des éditions en dix-sept langues, de l'anglais au japonais, du suédois au turc et à l'arabe) ne s'est jamais démenti, preuve de la pertinence de ce travail " encore bien présent, même s'il serait améliorable... Il ne s'agissait pas de faire le tour de Freud mais de lancer des coups de sonde, d'approfondissement. Le contraire même d'une mise en manuel : une mise en problème " selon les termes de J. Laplanche.
Sans doute y a-t-il autant de façons d'intriquer Grande et petite histoires qu'il y a de vies singulières. D'abord parce que les « grandes » histoires, les histoires collectives, ne véhiculent pas les mêmes sens et non-sens. Pour s'en tenir à celles que ce livre évoque : l'assassinat d'un père par la Milice, l'exil d'un réfugié Rohingya fuyant le massacre, la vie analytique sur fond de terreur en Colombie, la vie sauvée loin de la dictature de Poutine... L'intrication des deux histoires est l'objet de cet ouvrage, en même temps qu'une interrogation sur le travail de la psychanalyse quand elle se trouve ainsi confrontée à la rencontre violente de la réalité du monde et de la réalité psychique.
« Logique du fantasme », l'expression revient tout du long du Séminaire comme un leitmotiv. Cependant, nulle leçon ne lui est consacrée, ni même un développement un peu soutenu. Est-ce à dire que la logique du fantasme joue ici le rôle d'une Arlésienne nouvelle manière ? Non, si l'on veut bien admettre que cette logique est le point de convergence des propos de Lacan, ce que j'ai voulu indiquer en intitulant le tout dernier chapitre « L'axiome du fantasme ».
C'est ainsi qu'il commence en croisant audacieusement le groupe mathématique de Klein avec le cogito cartésien, modifié de manière à délivrer l'alternative « Ou je ne suis pas, ou je ne pense pas ». D'où Lacan trouve occasion à résumer en quatre temps le cours d'une analyse.
Autre croisement mathématico-psychanalytique : l'acte sexuel éclairé à partir du Nombre d'or. Il s'ensuit qu' « il n'y a pas d'acte sexuel », amorce de ce dit devenu pont-aux-ânes : « il n'y a pas de rapport sexuel ».
On trouvera aussi l'invention d'une « valeur de jouissance », inspirée par Marx, et on aura la surprise de voir le grand Autre, « lieu de la parole », nouvellement défini comme « le corps », lieu primordial de l'écriture.
Bien d'autres vues et constructions saisissantes attendent le lecteur s'il veut bien suivre dans ses méandres, piétinements, revirements, et aussi avancées et fulgurances, une pensée obstinée et profondément honnête, qui, lorsqu'elle rencontre telle pierre d'achoppement, ne la contourne jamais, mais s'emploie à en faire une pierre angulaire.
Jacques-Alain Miller
Avant que d'être psychanalyste, Lacan a été psychiatre. On n'aurait pas republié ses premiers écrits s'ils n'invitaient à une lecture après coup. Que nous apprennent-ils de la formation du futur analyste ?
Sa clinique est enracinée dans l'unicité du cas. Celui-ci n'est jamais choisi que pour sa « singularité ». Il faut qu'il présente un « caractère original », une « atypicité ». On pourrait y reconnaître une orientation vers le « un par un » qu'impose la pratique analytique.
La singularité du cas se retrouve au niveau du détail clinique, serré avec un souci de précision poussé à l'extrême de la minutie. Lacan fera état plus tard de son goût pour « la fidélité à l'enveloppe formelle du symptôme ».
Trois autres traits font traces de l'avenir. C'est l'usage du mot de structure pour désigner l'organisation d'une entité formant un tout, et détachée de la notion de développement. C'est l'importance accordée à l'analyse des écrits des malades. Et de là, la connexion établie du symptôme à la création littéraire.
Psy, pute (terme qui ne comprend pas, ici, les esclaves sexuelles) et curé ont pour fonction d'accueillir celles et ceux qui ne peuvent faire autrement que payer pour obtenir ces services. Ce rôle de réceptacle de ce que la société ne peut évacuer ailleurs explique-t-il leur statut à part ? Quelle est la place de l'intime, voire de l'amour, dans la confession, la séance et la passe ?
Cet ouvrage est consacré à l'analyse des folies meurtrières dans différents domaines littéraires ou artistiques, selon la clinique psychanalytique. La création éclaire les multiples facettes du thème, offrant une série de points de vue sur l'énigme du réel qui le sous-tend. L'apport de la psychanalyse est décisif pour saisir ce que ces folies meurtrières, au sein desquelles le sujet disparaît souvent, pour en renaître parfois transformé, mettent en jeu.